Jean Ferrat

Epilogue


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La vie aura passé comme un grand château triste que tousles vents traversent
Les courants d'air claquent les portes et pourtant aucune chambren'est fermée
Il s'y assied des inconnus pauvres et las qui sait pourquoicertains armés
Les herbes ont poussé dans les fossés si bien qu'on n'en peutplus baisser la herse
Quand j'étais jeune on me racontait que bientôt viendraitla victoire des anges
Ah comme j'y ai cru comme j'y ai cru puis voilà que je suisdevenu vieux
Le temps des jeunes gens leur est une mèche toujours retombantdans les yeux
Et ce qu'il en reste aux vieillards est trop lourd et trop courtque pour eux le vent change
J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon cœurquatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffleet mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie etson champ
Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa fauxcomme plâtre
Je vois tout ce que vous avez devant vous de malheur de sang delassitude
Vous n'aurez rien appris de nos illusions rien de nos faux pascompris
Nous ne vous aurons à rien servi vous devrez à votre tour payerle prix
Je vois se plier votre épaule
A votre front je vois le pli deshabitudes
Bien sûr bien sûr vous me direz que c'est toujourscomme cela mais justement
Songez à tous ceux qui mirent leurs doigts vivants leurs mains dechair dans l'engrenage
Pour que cela change et songez à ceux qui ne discutaientmême pas leur cage
Est-ce qu'on peut avoir le droit au désespoir le droit des'arrêter un moment
J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon cœurquatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffleet mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie etson champ
Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa fauxcomme plâtre
Songez qu'on arrête jamais de se battre et qu'avoir vaincun'est trois fois rien
Et que tout est remis en cause du moment que l'homme de l'hommeest comptable
Nous avons vu faire de grandes choses mais il y en eutd'épouvantables
Car il n'est pas toujours facile de savoir où est le mal où estle bien
Et vienne un jour quand vous aurez sur vous le soleil insensé dela victoire
Rappelez-vous que nous avons aussi connu cela que d'autres sontmontés
Arracher le drapeau de servitude à l'
Acropole et qu'on les ajetés
Eux et leur gloire encore haletants dans la fosse commune del'histoire
J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon cœurquatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffleet mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie etson champ
Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa fauxcomme plâtre
Je ne dis pas cela pour démoraliser
Il faut regarder le néant
En face pour savoir en triompher
Le chant n'est pas moins beauquand il décline
Il faut savoir ailleurs l'entendre qui renaît comme l'échodans les collines
Nous ne sommes pas seuls au monde à chanter et le drame estl'ensemble des chants
Le drame il faut savoir y tenir sa partie et même qu'unevoix se taise
Sachez-le toujours le chœur profond reprend la phraseinterrompue
Du moment que jusqu'au bout de lui-même
Le chanteur a faitce qu'il a pu
Qu'importe si chemin faisant vous allez m'abandonner comme unehypothèse
J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon cœurquatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffleet mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie etson champ
Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa fauxcomme plâtre


Autor(es): Jean Ferrat / Louis Aragon