Henri Tachan

La "vestiaire


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Dans ce p'tit bar de nuit
D'une rue du neuvième
Arrondiss'ment,
Les souv'nirs, aujourd'hui,
Un à un me reviennent,
Eperdument...
Des artistes, tout en soupant, refaisaient l'Monde,
Le patron était plein, la caissière ronde,
Y avait des rires, y avait des cris, et, en sourdine,
Passait "Only you" des Platters sur la platine...

Et moi je me disais:
"Comm'e la vestiaire est belle",
Le cœur battant,
Ses doux cheveux de jais,
Sous le col en dentelle
Le long cou blanc...
Comme la vestiaire était belle et innocente,
Sous les manteaux et les fourrures de ses clientes,
Comm'e la vestiaire était belle, indifférente,
Dans la boucane et le boucan de ces croquantes...

Os'rais-je lui demander,
J'sais pas, des cigarettes
Ou un baiser?
Je sens, dans mon gosier,
Comme une grosse arête,
A cette idée...
Et les bières suivent les bières, en cadence,
Les cavaliers, leurs cavalières, à d'autres danses,
Le jour se lève, elle va partir, la vestiaire,
Alors, soudain, je cours vers elle, ô ma chimère...

Je tombe à ses genoux,
Audace des timides,
Le rouge aux joues,
Ell'e dit: "Relevez-vous"
De ses grands yeux humides
Ses yeux si doux,
Et elle murmure: "Je t'attendais depuis l'enfance,
Viens, je t'emmène en ma cabane-adolescence,
On f'ra l'amour et des châteaux de sable, même
Si l'on ne s'aime plus un jour, ce soir je t'aime..."

De ce p'tit bar de nuit
D'une rue du neuvième
Arrondiss'ment,
Les souv'nirs, aujourd'hui,
Un à un me reviennent,

J'avais quinze ans.

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