Les fontaines du jazz

Francis Cabrel

Toutes les filles du quartier
Apprenaient à compter
Sur les touches d'un piano d'occase

Celles qui comptaient gagner
Trois sous de liberté
S'étaient déjà rappelées à la base

Dans les bars de la pègre, les belles chanteuses nègres
Faisaient mousser pour deux ou trois nazes

Les brumes rouges ébène
Qui roulaient dans leurs veines
Et qui viennent des fontaines du jazz

Demandez à Billie, à Chet ou à Louis
Comment ça fait quand la vie vous écrase
Tu joues et tu dégages
Et tu piges au passage, l'amour, c'est pas là qu'on le croise

Il attend quelque part en fuseau léopard
Presque nu sous les becs de gaz

C'est dans les bras d'une traînée même pas remaquillée
Que sont nées les fontaines du jazz

Beaucoup plus haut que la musique
Plus bas que le dernier bémol
Ça fait des losers magnifiques
Des vainqueurs fauchés en plein vol

Des génies que personne n'explique
Endormis à même le sol
Les péchés ont pris tout leur fric
Et les flics tout c'qu'il restait d'alcool

Quand j'veux de la vraie vie, de la belle mélancolie, jJe pense pas aux lagunes turquoise
Je parle à Wes, à Oscar, à Ella dans ses foulards et je pars boire aux fontaines du jazz