Carcasse


Sûr qu'on ne s'est jamais quittées depuis ce jour fleuri de roses
Où sans y comprendre grand chose toi et moi, on a débarqué
On a grandi sans y penser, je t'ai fait prendre quelques bûches
Tu m'as évité les embûches des lunettes et des bras cassés
La fièvre, moi, je l'aimais bien quand tu me collais des angines
Je voyais des dragons de Chine s'agiter sur mon papier peint

Carcasse
Sait-on bien comment ça se passe?
On occupait la même place, on ne s'est jamais rien demandé
Sans blague
Mes souvenirs sont dans le vague
Comme les branches qu'on élague à l'arbre où on s'est balancées

J'ai commencé par deviner en arrivant vers quinze, seize
À sentir un certain malaise qu'on n'était plus bien accordées
Toujours on se contrariait, tu dévorais, j'étais frugale
Et je nourrissais tes fringales, en rêvant que je m'envolais
Un mauvais jour, j'ai découvert ton grand nez, j'ai trouvé ça moche
Mais tu m'as dit "pauvre caboche, regarde un peu, tu as les yeux verts"

Carcasse
On s'épiait devant la glace
J'avais les peurs, toi les audaces, on ne pouvait rien décider
En somme
C'est moi qui me méfiais des hommes
Et toi qui les désirais comme une grand-voile à ton voilier

J'espère qu'à notre chemin il n'y a qu'une moitié de faite
Je nous vivrais bien d'autres fêtes, je te ferais marcher plus loin
J'espère encore te changer, j'essaie toujours mais tu renâcles
Et tu me bâtis des obstacles où je ne peux que trébucher
Mais même sans viser trop haut, je veux que tu sois, vieille bête
Au moins aussi bien dans ma tête que moi, je suis bien dans ta peau

Carcasse
Faut que tu marches ou que tu casses
Mais si je te regarde en face il n'y a pas de quoi prendre peur
T'existes
Et puis t'es pas tellement triste
Surtout depuis que tu résistes au vent qui malmène les fleurs

On a beau savoir qu'il faudra, que toi et moi, on se sépare
Vois-tu, j'ai de la peine à croire, qu'un jour ça nous arrivera
On peut essayer si tu veux de repousser plus loin la cible
Moi, je ferai tout mon possible mais faudra que tu m'aides un peu
Et quand tu arriveras au bout pourvu que ça soit moi qui veille
On s'arrangera bien, ma vieille pour résister encore un coup

Carcasse
On n'y peut rien, les années passent
Sur toi le temps laisse des traces et je sens que je change aussi
Avance
Ton arme à toi c'est l'espérance
À chaque jour qui recommence on recommence notre vie

Carcasse
Depuis longtemps quoi qu'on y fasse
Et jusqu'à ce qu'on se défasse tu restes ma meilleure amie


Autor(es): Anne Sylvestre