PAIE TES DETTES

Charles Trénet

Il était couvert de dettes
De la tête aux pieds
Chez lui venaient faire la quête
Tous ses créanciers
Et pour fuir ces personnages
Qui le torturaient
Un jour sans faire de tapage
Il partit pour la forêt
Au pied d'un arbre il s'endormit
Mais pendant qu'il rêvait
Un oiseau tout en haut de lui
Sur une branche lui chantait :

Paie tes dettes, paie tes dettes une, deux
Paie tes dettes, paie tes dettes mon vieux
Paie tes dettes, paie tes dettes
C'est mieux
Ou sans ça
Ça n'ira pas
Paie tes dettes, paie tes dettes une, deux
Paie tes dettes, paie tes dettes mon vieux
Paie tes dettes, paie tes dettes
C'est mieux
Ou sans ça
Ça n'ira pas

Il se dit dans son sommeil
C'est la voix d'ma conscience
Qui me poursuit et me surveille
Je vais à mon réveil
Rembourser ces braves amis
Qui m'ont fait confiance
Non plus jamais je me l'dis
Je n'veux de crédit

Paie tes dettes, paie tes dettes disait
Paie tes dettes, paie tes dettes l'oiseau
Paie tes dettes, paie tes dettes
Allez !
Il y fut, fut tout de go

Quel souvenir quelle belle journée
Quand il régla tout (tout !)
C'qu'il devait d'puis des années
Jusqu'au dernier sou
Il s'défit même de sa chemise
On peut s'passer d'ça !
Dans les bois soufflait la brise
Tout joyeux il y retourna
Sous le même arbre il s'étendit
Alors le même oiseau
Vint se poser là tout près de lui
En répétant d'un air idiot :

Paie tes dettes, paie tes dettes une, deux
Paie tes dettes, paie tes dettes mon vieux
Paie tes dettes, paie tes dettes
C'est mieux
Ou sans ça
Ça n'ira pas
Paie tes dettes, paie tes dettes une, deux
Allez allez paie tes dettes mon vieux
Il faut payer toutes tes dettes
Paie Paie Paie Paie Paie
Paie Paie

Dans l'instant même il comprit
Que la voix d'sa conscience
N'était autre qu'un volatile
Absurde et obstiné
Qui répétait le même cri
Depuis sa naissance
Sans savoir ce qu'il disait
Quelle destinée
Paie tes dettes, paie tes dettes disait
Paie tes dettes, paie tes dettes l'oiseau
Paie tes dettes, paie tes dettes
Oh assez !
Ou je vais te fracasser !

Et c'est ce qu'il fit
À l'oiseau, le cou il tordit
Et le lendemain dans tous les magasins
Et auprès de tous ses copains
Il fit des dettes, fit des dettes une, deux
Il fit des dettes
Ah !
C'est mieux
Puis un soir devenu vieux
Très vieux
Il mourut
Couvert de dettes