L'HOTEL BORGNE

Charles Trénet

Parce que j'aimais la fille du bougnat
Qu'avait d'beaux yeux d'beaux seins et les pieds plats
J'ai tout perdu, triste fortune
J'ai pleuré d'amour
De faubourg en faubourg
J'ai pleuré d'amour au clair de lune
Tout seul j'loge dans un quartier perdu
Au fond d'une petite rue

J'habite un hôtel borgne, si borgne, si borgne
Que je frémis lorsque le soir
Je vois son œil qui luit dans l'noir
Quand le patron me lorgne, me lorgne, me lorgne
J'ai mal au ventre subitement
Je pose ma clef et je fous l'camp
Coupe-gorge, assassinat
Le crime rôde, rôde, rôde
Couleur locale pour cinéma
Hommes de peine
Filles de joie
Moi je vis au milieu de tout ça
J'habite un hôtel borgne

Tard dans la nuit armé d'un grand poignard
On voit passer Bébert l'ancien bagnard
Il cherche sa brune Andalouse
Qui a donné son cœur
Au fils du percepteur
Elle l'a dans la peau la jalouse
Mais Bébert les surprend et les tue
Au fond d'une petite rue

Sur un air de java oui
J'habite un hôtel borgne, si borgne, si borgne
Maintenant j'ne fais plus qu'un repas
Mais j'peux cracher à trente cinq pas
Quand le patron me lorgne, me lorgne, me lorgne
Je lui demande : « Comment qu'ça va »
Je pose mon chapeau et je reste là
Le samedi l'accordéon
En ritournelle chante, chante
Quand on s'aime c'est pour de bon
Adieu bougnate, pieds plats, tétons
Moi j'suis devenu un vrai larron
Ah Ah Ah
J'habite un hôtel borgne